Salaires 2015-2017 - Mise au point
À propos de quelques idées reçues
Remarque : le document ci-dessous a été écrit à la veille des grèves de l’automne 2016. Celles-ci n’ont pas fait reculer le gouvernement en ce qui concerne la nouvelle grille salariale, mais certaines améliorations ont cependant été apportées aux conditions de travail. Citons en particulier, l’octroi d’une période de maîtrise de classe pour les enseignant-e-s des années 3 à 6 H (ce qui a réduit de moitié l’écart avec la plupart de leurs collègues des autres cantons) et l’abandon de la cotisation à la caisse de remplacement. Plus de détails |
1. Revalorisation des salaires des enseignants 1-2H et 3-6 H
À tout bout de champ, le Conseil d’État répète que les salaires des enseignant-e-s de ces degrés seront «revalorisés»; parfois, il consent à préciser qu’il parle des salaires initiaux…
De quoi s’agit-il?
Deux images valent mieux qu’un texte pour comprendre (les données sont évidemment celles qui ont été communiquées par les services de l’État).
En augmentant les salaires initiaux pour mieux les baisser par la suite, l’État se comporte comme un institut de crédit bancaire; il prête un peu durant 4-5 ans et récupère ce qu’il a avancé avec une marge frisant l’usure…
En chiffres:
1re- 2e H | 3e - 6e H |
2. Quel est le pensum des enseignant-e-s primaires (3e à 6e H)?
Lors d’une réponse à une question, le 31 août dernier, la cheffe du Département de l’Éducation et de la Famille a proclamé que l’indice horaire dans ces degrés est de 28 périodes.
C’est malheureusement faux. Dans les degrés 3 à 6 H, l’indice horaire est de 29 périodes. De plus, les enseignant-e-s n’y bénéficient d’aucun allègement pour la gestion de la classe contrairement aux collègues des degrés suivants.
Une majorité des cantons impose un pensum de 28 périodes en primaire; Neuchâtel fait exception. De même, presque tous les autres cantons accordent un allègement d’une période hebdomadaire pour compenser partiellement le temps consacré aux diverses tâches de gestion de la classe. Neuchâtel fait encore exception (et cela ne concerne que les enseignant-e-s primaires des degrés 3 à 6 H… précisément celles et ceux dont le gouvernement prétend améliorer le statut)!
En comparaison avec le canton de Vaud (de très loin le moins généreux de nos voisins), l’enseignant-e neuchâtelois aura une progression salariale proche (mais moindre quand même) et travaillera 7 % de plus. Et nous ne détaillerons pas ici, le taux d’encadrement, ni l’âge d’accession à la retraite, tous favorables aux Vaudois.
3. Les enseignants ont-ils été épargnés jusqu’ici?
Le statut des enseignants n’a pas été sérieusement revu depuis les années 60, au moment de la création de l’école secondaire à filières (qu’on abandonne actuellement).
Les diverses fonctions d’enseignement n’ont jamais été évaluées — ni par conséquent leurs salaires ajustés — depuis des décennies. Durant tout ce temps, notamment depuis une quinzaine d’années, les autres fonctions de l’État ont été évaluées et les salaires adaptés en conséquence. Le résultat en est un écart relatif croissant.
Comme le reste de la fonction publique, les enseignants sont régulièrement passés à la caisse pour permettre à l’État de boucler ses budgets.
Alors que diverses mesures partiellement compensatoires étaient offertes dans l’administration — comme la réduction du temps de travail, divers congés, accroissement des jours de vacances, il n’y a jamais eu le moindre geste à l’égard des enseignants.
Ils sont victimes de l’accroissement manifeste de la pénibilité de leur profession, sans la moindre aide autre qu’un service d’écoute et voient maintenant les salaires baisser, alors que les autres cantons (notamment nos voisins) les ont revalorisés très récemment ou s’apprêtent à le faire.
Cherchez l’erreur! Il sera bien tard pour chercher à la corriger quand les jeunes auront pris l’habitude de se détourner de notre région au moment de remplacer la génération des baby-boomers!
4. Neuchâtel se rapproche-t-il de la pratique des autres cantons?
Il y a bien un angle sous lequel notre canton s’inspire de la pratique des autres cantons. Il s’agit du nombre d’échelons.
Jusqu’ici, les enseignants étaient soumis à une progression en 10 échelons; compte tenu d’un décalage d’un an et demi, cela signifie qu’ils avaient atteint leur plafond salarial en 12 ans.
Cette spécificité était utile pour séduire les jeunes entrant dans le métier. En effet, durant la première partie de leur carrière, il se pouvait que leur salaire dépasse celui de leurs voisins… mais c’était pour le payer par la suite, quand le leur stagnait alors que ceux des autres continuaient à progresser.
Pour le canton, le calcul n’était pas mauvais et c’est peut-être ce qui explique qu’il ait duré si longtemps. En effet, une fois établis, ayant fondé famille avec des enfants en âge de scolarité, les enseignants «acceptaient» un handicap salarial par rapport à leurs collègues des autres cantons, plutôt que d’envisager un déménagement.
En alignant sa pratique sur celle des autres, le canton prend le risque d’afficher la différence. Le retard neuchâtelois ne peut plus être caché par la progression rapide en début de carrière.
À nouveau, deux images valent un mieux qu’un long discours:
la courbe verte est la moyenne des cantons voisins (BE, FR, JU, VD)
3e - 6e H | secondaire |
Mais encore...
Il y aurait encore beaucoup à dire.
Par exemple que, quel que soit le secteur d’enseignement concerné (lycée compris), les enseignants neuchâtelois sont déjà parmi les moins bien rémunérés de Suisse.
Il nous semble enfin utile de signaler à celles et ceux qui l’ignoreraient que le système scolaire neuchâtelois est de très loin le meilleur marché du pays (en coût par élève). L’institut BAKBASEL explique cela par la conjonction de deux facteurs: des salaires notablement inférieurs et un taux d’encadrement supérieur (nombre d’enfants par EPT); ce dernier indicateur expliquant probablement l’épuisement précoce du corps enseignant.
Dans ce contexte, imaginer réduire l’attractivité (et la considération) du métier tient de la folie… ou du suicide managérial (mais apparemment justifié par la priorité accordée aux échéances politiques).
Le SAEN est prêt à discuter de tout… sauf d’une dévalorisation de la profession.