Vers un événement d’une grande importance: la réforme de l’enseignement

I - Du côté de nos écoliers

Depuis de nombreux mois, une Commission cantonale étudie, sous la direction du Département de l’Instruction publique, la réforme de l’enseignement secondaire et prégymnasial, qui provoquera forcément la réforme de l’enseignement primaire. De nombreux problèmes seront soulevés par ces travaux dans le public, après l’avoir été par les techniciens. C’est pourquoi nous nous proposons d’exposer quelques aspects de cette vaste réforme à nos lecteurs: tout est en effet remis en question, on le verra bien vite. Parents, pédagogues, psychologues, jeunes gens, bref, rigoureusement tout le monde, étant donné l’importance vitale du rôle que joue l’école dans notre civilisation, sont intéressés à cette affaire. C’est pourquoi nous conseillons à nos lecteurs d’y prêter attention, car la réforme projetée va définir nos écoles pour plusieurs décennies probablement. Voici du reste un tableau général des changements prévus, exposés par un membre de l’enseignement primaire qui a spécialement étudié la question.

Nous pensons que beaucoup de lecteurs seront intéressés de savoir que dans notre canton, la révision de l’enseignement primaire et secondaire est à l’ordre du jour.

Pour quelle raison, cette révision? C’est qu’elle se révélait indispensable pour l’école secondaire et qu’automatiquement, elle forçait à repenser tout le problème depuis la base.

La première constatation qui s’impose, c’est que le nombre des élèves à l’école secondaire a considérablement augmenté. Citons quelques-unes des raisons:

  1. égalité de la durée de l’enseignement par suite de l’introduction de la 9me année primaire obligatoire;

  2. gratuité de l’enseignement et du matériel à l’école secondaire;

  3. grande facilité pour tous les élèves d’entrer à l’école secondaire (facilité diminuée depuis l’introduction de moyennes minimum plus élevées);

  4. désir de certains maîtres d’apprentissages de donner la préférence à des apprentis ayant passé par l’école secondaire.

  5. tendance actuelle, très heureuse, qui veut donner à chacun une formation la meilleure possible afin d’augmenter ses chances de réussite dans la vie.

  6. peut-être aussi un peu, l’amour-propre.

Cette augmentation d’effectif serait heureuse et réjouissante si elle n’était pas provoquée en partie par l’arrivée d’élèves moyens et même faibles. Le niveau moyen des classes a certainement baissé, ce qui n’a pas permis au programme de 1946 d’avoir toute son efficacité. Le programme minimum a dû devenir un maximum et des échecs sont à regretter tors du passage dans les sections de techniciens ou au gymnase scientifique.

De là l’entrée en masse en progymnase classique (après la 5e primaire) d’élèves dont l’orientation devrait être toute différente.

Il n’est pas normal que cet état de fait incite des élèves à envisager une formation classique pour laquelle ils n’ont pas les aptitudes voulues au moment où l’on réclame davantage de physiciens, d’ingénieurs, de techniciens. Devant ces faits, les responsables sur le plan communal ou cantonal, se sont attelés à une réforme des études secondaires; une commission a été constituée, comprenant des directeurs d’écoles, des inspecteurs et quelques représentants des corps enseignants secondaire et primaire.

Cette commission a établi un projet de ce que serait notre organisation scolaire (primaire et secondaire). Il lui reste à établir les programmes, définir les sélections, les raccordements avec l’école primaire en particulier, fixer les obligations et ta formation des maîtres secondaires, etc. Le projet sera ensuite soumis au Conseil d’État, au Grand Conseil et éventuellement au peuple. C’est donc, qu’il intéresse chacun et que notre journal pourra se faire l’écho des remarques pertinentes de ses lecteurs.

Double section prégymnasiale

Le projet prévoit que tous les enfants font 5 ans d’école primaire. A ce moment intervient une première sélection-orientation en vue de l’entrée en section prégymnasiale (de type A, classique ou de type B, scientifique). Cette section, réservée aux très bons élèves (25 % au maximum de l’effectif) compte 4 ans d’études. Pour les classiques, c’est la préparation en vue du baccalauréat littéraire, pour les scientifiques, en vue du bac… scientifique ou des études de technicien. Les deux types donnent aussi droit à l’entrée à la section pédagogique ou aux classes de maturité de l’école de commerce.

Ecole secondaire moderne

Les autres élèves restent encore une sixième année à l’école primaire qui voit son cycle ainsi terminé. A ce moment intervient une deuxième sélection/orientation. Les meilleurs élèves, qui le désirent, (20 à 25 % de l’effectif de 6e) sont attribués à l’école secondaire moderne (type C). Astreints à apprendre 2 langues étrangères (allemand plus anglais ou italien) ils font une préparation de 3 ans qui leur donne accès aux classes de diplôme de l’école de commerce, ainsi qu’une bonne formation pour un apprentissage de commerce ou d’artisanat. Les élèves très capables de cette section pourraient consacrer les 6 derniers mois de secondaire C. à un raccordement leur donnant les mêmes droits que les élèves sortant de prégymnasiale B.

Ecole préprofessionnelle

L’effectif qui ne fera ni la prégymnasiale, ni la secondaire moderne, sera inscrit à l’école préprofessionnelle (ce sera vraisemblablement son nom) qui ne dépendra qu’organiquement de l’école primaire. Elle comprendra les élèves qui se destinent aux professions manuelles et artisanales: horlogers, mécaniciens, vendeurs, ferblantiers, serruriers, etc. Son programme et son organisation sont à l’étude, ainsi que l’idée de la terminer par un certificat. Il est bien entendu que cette préprofessionnelle sera déchargée des élèves retardés dont la situation doit être entièrement revue.

Cette proposition d’organisation scolaire a été approuvée entre autres par le Conseil d’État, ainsi que par la Commission scolaire de La Chaux-de-Fonds. Nous serions heureux, que les personnes que ces problèmes intéressent et qui ont des avis pertinents à exprimer à ce sujet le fassent dans ces colonnes.

Marcel JAQUET

Source : L'Impartial, 15 octobre 1958