, Myriam Facchinetti

Je suis une maitresse enfantine

Il y a une catégorie d’enseignant·es qu’il est urgent de revaloriser: celle des deux premiers degrés de la scolarité obligatoire.

Les discussions concernant l’évolution des salaires des enseignant·es neuchâtelois·es sont compliquées. Pour le SAEN, il est primordial de ne pas pénaliser certaines personnes sous prétexte de mieux soutenir d’autres, les acquis doivent demeurer. Et il y a une catégorie d’enseignant·es qu’il est urgent de revaloriser: celle des deux premiers degrés de la scolarité obligatoire.

Il y a vingt-sept ans, j’ai passé le concours d’entrée de l’École normale de Neuchâtel. Il n’était pas question de pénurie d’enseignant·es à l’époque, mais plutôt de pléthore de personnes motivées à embrasser cette carrière professionnelle. Dans ma section des «maitresses enfantines», nous étions trop nombreuses pour le peu de places disponibles dans notre canton.

Je me souviens que le directeur, M. Gagnebin, s’était montré surpris que je veuille choisir cette section avec un baccalauréat en poche. Mais mon choix était fait: je serais une maitresse d’école enfantine, destinée à travailler toute ma carrière avec des enfants de 1re et 2e année.

J’y ai consacré quinze ans, avant de compléter ma formation pour pouvoir enseigner dans l’entier du cycle 1. La pénibilité du travail dans les premiers degrés ne peut pas être négligée. Celles et ceux qui la dénigrent ou cherchent à l’ignorer ne vivent pas dans le même monde que nous. Il est temps de remettre les pendules à l’heure…

Un rôle primordial pourtant sous-évalué

En 1-2e, on accueille évidemment des enfants qui vivent leurs premières heures d’école. Iels n’ont, pour la plupart, aucune expérience de la vie de groupe. Quitter ses parents, son cocon et se retrouver dans un univers qui leur est inconnu est une source de stress considérable. Le travail de l’enseignant·e est intense, partagé entre une certaine souplesse consolatrice et la rigueur de la mise en place des règles de vie. La charge émotionnelle parentale est souvent exacerbée à cet âge-là: difficile pour les parents d’admettre certaines difficultés de leur enfant, de faire confiance aux enseignant·es et d’appréhender les exigences du système scolaire.

Le rôle des enseignantes 1-2e — seul demi-cycle, soit dit en passant, où l’intégralité des classes compte deux degrés — est fondamental. Comme j’aime à l’illustrer, le travail de détection, d’accueil et de mise en place des diverses mesures de différenciation ou de bilans est semblable à celui du «ratrak» (dameuse), qui permet aux enseignant·es suivant·es d’évoluer sur des pistes soigneusement balisées.

Vingt-cinq périodes?

La charge de travail des enseignant·es 1-2e n’a cessé d’augmenter. La préparation des activités, englobant les différenciations nécessaires à une classe multidegrés et multilangues, prend elle aussi beaucoup plus de temps. Elle dépasse largement les vingt-cinq périodes d’enseignement attribuées.

La responsabilité pesant sur les épaules des enseignant·es 1-2e est aussi de plus en plus lourde: on doit faire toujours plus, avec des effectifs qui ne baissent pas, et un nombre toujours plus élevé d’enfants intenses, à besoins éducatifs particuliers. Tout cela avec un salaire qui n’évolue pas.

À l’heure où l’on demande plus de verticalité, dans les MER (1), dans l’évaluation des compétences, il serait largement temps de penser plus vertical également dans la valorisation de l’immense travail fourni dans les premiers degrés. Il n’y a donc aujourd’hui plus aucune raison de ne pas rémunérer les enseignant·es 1-2 à la même hauteur que les 3-6. C’est ce que le SAEN préconise.

Pénurie inévitable

Il y a quinze ans, je me trouvais peu payée pour un travail épuisant nerveusement et physiquement. Je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même, étant donné mon choix de me former initialement pour les deux premiers degrés.

Aujourd’hui, les nouveaux et nouvelles enseignant·es sont formé·es pour les degrés 1 à 8. Comment rendre le travail de début de cycle 1 attractif et ainsi éviter une pénurie inéluctable? La période actuelle est sombre financièrement: il est facilement compréhensible qu’un·e jeune enseignant·e se tourne d’instinct vers un job en 3e ou 6e année, qui sera (un peu) mieux payé…

Le SAEN en est persuadé: il est urgent de reconsidérer la fonction même et le salaire adéquat de nos valeureux-ses collègues, qui ne relâchent pas leurs efforts. Sans eux, sans elles, c’est toute la structure des cycles scolaires qui se trouverait déstabilisée, menacée par une fondation vacillante, faiblissante. Il est temps d’ouvrir les yeux et de considérer chacun·e avec le respect qui lui est dû!

(1) Moyens d’enseignement romands