, Pierre-Alain Porret

Vers une école à journée continue : vraiment ?

Dans notre canton, malgré de grands efforts fournis par les communes depuis plusieurs années, les offres en accueil parascolaire parviennent difficilement à satisfaire la demande des familles.

Un peu partout en Suisse, on ressent un mouvement économique et sociétal impliquant une meilleure prise en charge des enfants par l’école et par la société en général. Dans notre canton aussi, malgré de grands efforts fournis par les communes depuis plusieurs années, les offres en accueil parascolaire parviennent difficilement à satisfaire la demande des familles.

Le modèle traditionnel, qui permettait à la plupart des élèves de se rendre à pied à l’école et de revenir manger chez elles·eux à midi, fonctionne actuellement de moins en moins bien. Se présentent alors deux options. La première est de développer un accueil parascolaire pour les familles qui en ont besoin, moyennant finances et limitations en cas de trop forte demande. Mais on a un peu l’impression que l’offre a toujours un temps de retard sur la demande, justement… La deuxième, déjà présente en Suisse à divers endroits, consiste à permettre à tous·tes les enfants de passer leur pause de midi à l’école, et d’être accueilli·es toute la journée si les familles le désirent.

Dans notre canton, plusieurs communes ont lancé des études préliminaires à travers le projet MAE (ma journée à l’école). De son côté, le SER a entamé une réflexion à ce sujet, en organisant le samedi 18 novembre ses Assises romandes de l’Éducation sur ce thème.

Actuellement, de nombreuses questions sont en suspens. Au plan politique par exemple, où trouver les financements nécessaires? Comment faire travailler main dans la main des dicastères différents (bâtiments et instruction publique)? Où trouver des locaux d’accueil en suffisance? Doit-on en construire de nouveaux? Peut-on imaginer d’utiliser les espaces scolaires et les cours d’école aussi pendant les pauses de midi, ainsi qu’avant et après les leçons?

Si une majorité d’enfants passent leur journée à l’école, il serait judicieux de créer des collaborations avec les sociétés locales, le conservatoire, les clubs sportifs. Comment rapprocher toutes ces personnes et les amener à travailler ensemble? Peut-on imaginer un subventionnement de ces structures pour leur permettre d’augmenter leurs capacités d’accueil? L’idéal serait de donner à chaque enfant qui le désire la possibilité de pratiquer les activités de son choix, sans dépense insupportable pour les familles. Est-ce réalisable?

Un des problèmes actuels consiste à assurer le suivi et la sécurité des enfants. Si, durant la semaine, ils·elles sont pris·es en charge par de nombreuses personnes différentes, cela rend chaque imprévu très compliqué à gérer pour les parents. Dans l’hypothèse d’une véritable école à journée continue, il serait bon qu’un secrétariat central gère toutes les absences et demandes particulières, permettant aux familles d’avoir une seule personne de contact à avertir. Est-ce envisageable?

Dans la situation actuelle, il y a un fossé entre l’école et les accueils parascolaires. Chacun gère son domaine et les interactions sont limitées. Dans un projet d’école à journée continue, les horaires scolaires devraient être modifiés, avec des pauses de midi raccourcies par exemple, pour libérer les élèves plus tôt l’après-midi, ou décalées, pour ne pas surcharger les réfectoires. Il faut aussi réfléchir à la fin des devoirs à domicile, en organisant des temps d’étude individuelle à l’école. On pourrait aussi organiser une meilleure collaboration entre le personnel des écoles et celui des structures d’accueil, avec du personnel éducatif qui serait actif dans les divers lieux pour les élèves qui en ont besoin. Mais cela nécessiterait d’engager de nombreuses personnes. Comment trouver les moyens nécessaires? Il ne serait en effet pas judicieux du tout de demander aux enseignant·es d’assurer la surveillance des élèves en dehors des horaires scolaires, ce qui péjorerait l’enseignement.

Si l’on répond mieux aux besoins des familles en tenant compte de ceux des écoles, il ne faut pas oublier de songer aux enfants eux-mêmes, elles-mêmes. Comment assurer à chacun·e un cadre agréable et épanouissant, sans stress (cantine bruyante…) et adapté à sa personnalité? Comment aménager des coins calmes (sieste, lecture, musique…) et des endroits où se défouler (jeux, sports…) en suffisance?

Il peut paraitre décourageant d’envisager une modifica-tion si importante de la manière d’accueillir les élèves à l’école. Toutefois, cela se fait de plus en plus, même en Suisse. Nous devons donc y réfléchir ensemble et nous y projeter, avec l’ambition de ne pas entreprendre ces changements «au rabais». Le monde économique aurait beaucoup à gagner d’un meilleur encadrement des enfants pendant les journées de travail de leurs parents. Une vraie école à journée continue doit donc aussi impliquer la participation des entreprises, à travers un partenariat public-privé cantonal. Songeons-y!

Ce sujet vous intéresse ou vous interpelle? Rejoignez-nous pour y réfléchir le samedi 18 novembre aux Assises romandes de l’Éducation, à Lausanne!