, Myriam Facchinetti

Un peu de considération, s’il vous plait ...

Revenons sur une problématique rencontrée en fin d’année scolaire 2023 par plusieurs collègues et qui mérite d’être analysée, ou en tout cas modifiée.

Les vacances pointent déjà vers leur fin. À tête reposée, il me faut revenir sur une problématique rencontrée en fin d’année scolaire 2023 par plusieurs collègues et qui mérite d’être analysée, ou en tout cas modifiée.

Les années passent, et pour ma part, cela fait vingt- quatre ans que j’enseigne. J’ai vu défiler des élèves, des parents, des collègues. Chaque année scolaire m’a apporté son lot de joies et de peines, à chaque fois j’en sortais grandie et j’ai toujours eu foi en mon métier. J’ai également été confrontée aux décisions des directions, des autorités, avec parfois de la peine à les comprendre. Mais je les ai toujours suivies.

Depuis quelques années, j’ai le sentiment – peut-être qu’il n’engage que ma sensibilité – que certaines décisions vont à l’encontre du bon sens, mais surtout sont sans aucune pitié ni considération pour notre engagement considérable.

Motivons-nous !

On ne va pas nous changer : nous sommes rempli·es de motivation et d’espoir, tout au long de l’année scolaire. Parfois, c’est du gâteau, et d’autres années, c’est la galère.

Nous concevons nos intentions au gré de ces dix mois et demi d’accompagnement scolaire. Il est parfois plus simple de ne pas trop prévoir d’extrascolaire, notamment quand le groupe classe n’est pas soudé ou dysfonctionne carrément.

Mais les années « bénies », celles durant lesquelles notre classe est exemplaire, unie, sérieuse et aimante, nous prévoyons parfois trop d’activités et autres projets un peu fous …

Et dans ces moments-là, il n’est pas exagéré de dire que nous ne comptons pas nos heures (dans les autres moments non plus, d’ailleurs ... ). Prenons l’exemple de l’organisation d’un camp vert : celui ou celle qui s’y est déjà attelé·e sait combien il est enthousiasmant mais exigeant de ne rien oublier, de prévoir les moindres détails pour que le camp soit une expérience inoubliable, mais sécurisée pour nos chères têtes blondes.

Mais l’envie ne fait pas tout ! Il faut une sacrée dose de motivation pour passer par-dessus les innombrables embuches qui jalonnent l’organisation d’un camp : formulaires pour les acomptes, réservation d’un gite et des transports, respect du rythme des enfants, formulation des menus qui tiennent compte des allergies et intolérances, reconnaissance des lieux, organisation du trans- port du matériel, etc.

Ceci n’est que la mise en bouche, car une fois le camp entamé, il y a toute cette responsabilité qui nous incombe et qui peut parfois fatiguer nerveusement.

Qu’importe ! Si on a la chance de pouvoir organiser un camp avec sa classe, il faut la saisir !

Ça se complique parfois …

Là où ça devient compliqué, pour quelques collègues qui travaillent à temps partiel ou dans plusieurs classes, c’est quand les directions exigent l’ « inexigeable ».

Imaginez : vous appartenez à une classe, en tant que cotitulaire. Vous partagez votre horaire avec votre collègue, ce qui vous amène à donner des leçons dans une autre classe.

Au moment de partir en camp, vous êtes évidemment indispensable à l’équilibre et au bon fonctionnement de votre classe et sans vous, il faudrait engager un·e accompagnant·e qui ne connait peut-être pas les élèves, ce qui compliquerait la tâche de l’autre titulaire. La question de votre remplacement dans l’autre classe ( celle où vous n’êtes pas titulaire ) se pose alors de manière justifiée.

Quelques collègues dans ce cas ont eu des réponses bien différentes de leurs directions, selon leur cycle 1, 2 ou 3. Il faut poser les choses ici : les enseignant·es des cycles 1 et 2 ne sont pas traité·es comme les enseignant·es du cycle 3. Aux premièr·es, on a demandé d’effectuer des rocades et on ne les a pas remplacé·es. Avec les second·es, on a clairement été plus souple et on les a remplacé·es.

Force est quand même de ne pas mettre tout le monde dans le même panier : la sensibilité exacte de certain·es directeur·trices adjoint·es qui considéraient qu’il fallait remplacer les enseignant·es en camp n’a malheureusement pas fait le poids face à la décision finale de la Direction.

Manque de confiance ?

Ce qui m’interpelle dans ce processus, au-delà de l’injustice crasse entre les différents cycles ( ce n’est pas la première, malheureusement ), c’est le manque de clair-voyance, de confiance et de considération pour des enseignant·es qui viennent également en camp sur leurs jours de congé, sans que cela ne puisse poser problème à la direction. Tout le monde sait bien ( nos directions également ) qu’il est impossible d’organiser un camp et d’y participer en restant dans ses horaires-cadres et sans mettre de côté sa propre vie privée. Quand on le fait, on confie nos propres enfants à d’autres personnes, on travaille en dehors de nos « horaires », sans compter l’énorme responsabilité qu’on endosse – ce qu’un·e simple remplaçant·e ne pourrait pas forcément assumer.

Faire faire des heures supplémentaires ( car c’est bien de cela dont il s’agit ) à des personnes compétentes qui n’ont pas d’autre choix si elles veulent tenir leur rôle dans leur propre classe, c’est un manque de considération évident et c’est intolérable.

Et cela tout en sachant que si le·la cotitulaire fait une sortie avec sa classe en dehors de son horaire (sur son temps libre), iel n’est pas payé·e comme accompagnant·e, à contrario d’un·e étudiant·e qui ne connait pas la classe ni son fonctionnement. Il y a tout de même un gros problème …

Gardons le cap

Ni vous ni moi ne fonctionnons comme cela. Mais le découragement est parfois grand, quand on en arrive à penser que l’on n’est pas pris·e en considération ou en tout cas pas apprécié·e à sa juste valeur. J’ai le sentiment parfois qu’on n’en fait jamais assez pour cette école qui se substitue toujours plus aux parents, et qui tient un rôle de gardiennage de plus en plus grand dans notre société. Cela méritait d’être indiqué dans ces lignes. On ne pourra certainement pas freiner cette école qui va à 100 km / h, parfois sans prendre le temps de réfléchir au cas par cas, et qui fait encore trop souvent des généralités.

Gardons le cap, gardons foi en notre investissement ! Même si la reconnaissance peut de temps en temps paraitre superficielle, voire inexistante, nos élèves méritent de vivre une scolarité harmonieuse et ponctuée de moments inoubliables. Et nous, nous sommes en droit de dire non à des incohérences malveillantes.