, Pierre-Alain Porret

Le défi de la formation continue des enseignant·es

Nos conditions de travail évoluent et questionnent sur le type de formation à laquelle nous avons été habitué·es depuis longtemps...

L’école actuelle est confrontée à de nombreux bouleversements liés à des facteurs externes (société, famille, crises diverses…) ou internes (réformes, rénovations, numérisation…). Notre petit canton n’est pas épargné par ces changements. Toutefois, la rapidité et la profondeur de ces modifications impactent profondément nos conditions de travail et questionnent sur le type de formation à laquelle nous avons été habitué·es depuis longtemps, à savoir une solide formation de base (actuellement bachelor HEP), puis une panoplie de formations obligatoires et facultatives en emploi.

En ce qui concerne les personnes qui sont engagées à temps complet sur la durée, ce système semble bien fonctionner. Au fur et à mesure de l’apparition de nouveaux moyens d’enseignement ou de changements de pratiques, ces collègues suivent des formations que nos autorités veillent (autant que faire se peut) à étaler dans le temps. Nous bénéficions aussi dans notre canton d’une pratique qui permet d’être formé·e en partie sur «temps école» lorsqu’il s’agit de formations obligatoires : le fameux 50/50. Mais il faut relever la pratique regrettable, liée à des mesures d’économie, qui consiste à réduire au maximum la part de formation obligatoire et à augmenter d’autant celle des modules facultatifs. Il faut aussi signaler que la charge de travail a fortement augmenté ces dernières années, ce qui rend plus difficile de trouver du temps et de l’énergie pour continuer à se former.

Toutefois, les personnes engagées à temps complet ne représentent aujourd’hui plus qu’une petite minorité de l’effectif, et ceci à tous les niveaux de nos écoles. Cette proportion d’enseignant·es à temps partiel continue d’ailleurs d’augmenter, et la pénurie qui s’annonce amène de plus en plus de personnes peu ou pas formées à enrichir nos effectifs. Pour tou·tes ces collègues, les formations représentent souvent une lourde charge, en très grande partie sur temps "hors école". Comment concilier vie privée, vie de famille et activité professionnelle (parfois dans des collèges ou dans des secteurs différents) avec les exigences d’une formation sérieuse ?

A cette problématique s’ajoute une pénurie croissante de personnel enseignant. Dans la scolarité obligatoire, certains cantons mettent sur pied des «formations accélérés» pour intégrer rapidement des personnes sans formation pédagogique. Les HEP ont institué des systèmes appelés VAE (validation des acquis de l’expérience) permettant de réduire les temps de formation pour des personnes arrivant d’autres secteurs professionnels. Au niveau fédéral a été discutée la possibilité pour des personnes au bénéfice d’une maturité professionnelle d’entrer dans les HEP sans examen préalable (ceci a été contesté par les syndicats). La CDIP a mandaté un groupe de travail pour réfléchir à mieux organiser l’entrée dans la profession et soutenir les débutant·es dans leurs premières années de pratique pédagogique.

Dans cet épineux dossier ressort aussi très fréquemment la question de la pertinence des contenus. On constate que, malgré tous les écueils, la plupart des enseignant·es apprécient de pouvoir se former, de remettre à jour leurs connaissances, de découvrir de nouvelles pratiques et de faire évoluer leurs conceptions de l’enseignement. Malgré le stress et la fatigue, de nombreuses personnes en ressortent enthousiasmées, rafraîchies et motivées lorsque les contenus des formations sont pertinents, facilement mobilisables dans la vie quotidienne de l’école, adaptés aux élèves et de nature à faire évoluer positivement le travail avec la classe. Par contre, si les objectifs de formation sont peu clairs, si les intentions des autorités ne sont pas comprises, si les contenus sont trop éloignés de la pratique pédagogique, alors les formations sont perçues comme un fardeau parfois insupportable.

Pour l’instauration de vrais congés de formation

Nous n’avons pas le choix. L’accélération des changements dans notre société ne donne aucun signe de faiblesse. Nous devons nous adapter au mieux et poursuivre tous ensemble la réflexion au sujet de notre formation, avec tou·tes les partenaires concerné·es. Serait-il envisageable d’innover, par exemple en accordant à chacune et chacun, quel que soit son pourcentage de travail, des «congés de formation» réguliers ? Être pour un temps libéré·e de l’obligation d’enseigner pour retrouver le plaisir de développer ses compétences professionnelles ? Et pourquoi pas ?

Le SAEN se réjouit d’accueillir vos réactions à ce sujet et continuera de s’engager à l’avenir pour une formation de qualité qui n’épuise pas les enseignant·es !