Nous sommes les enfants heureux …
Ce mois de mars 2023 voit Neuchâtel célébrer le 175e anniversaire de sa révolution de 1848. À cette occasion, un numéro spécial de la revue romande Passé Simple a été édité et diffusé dans les écoles du canton. À sa lecture, on (re) découvre une période troublée et déstabilisante dans l’Europe entière, avec des luttes fortes entre les tendances progressistes et conservatrices, de grandes avancées démocratiques mais aussi des épisodes sanglants.
Plus scolairement parlant, on y apprend aussi que, parmi les réformes instituées dans les premières semaines de la toute jeune république neuchâteloise de 1848, « la Vénérable Classe des pasteurs, (qui) contrôlait jusqu’alors les mœurs et l’instruction publique… perd ses pouvoirs… ». Un autre document nous indique que : « Avec l’avènement de la République en 1848, l’État va créer un département de l’Instruction publique qui va imposer une laïcisation de l’école et des programmes communs, tout en laissant aux communes une autonomie qui subsiste encore aujourd’hui à travers les prérogatives des commissions scolaires. » Les évènements dont nous nous souvenons ainsi ont profondément marqué leur époque, et les effets s’en font sentir dans nos écoles jusqu’à aujourd’hui.
Toutefois, si de nos jours le souvenir de ce « bon vieux temps » fleure bon le folklore régional, avec marche populaire, discours, flonflons, fondue ou platée de tripes, nous ne devrions pas oublier que nos ancêtres ont dû affronter de nombreuses difficultés avant de pouvoir instaurer chez nous la démocratie, et que si la révolution du 1er mars 1848 n’a duré qu’un jour et n’a (fort heureusement) tué personne, c’est pendant presque un demi-siècle qu’il a fallu lutter pour consolider le nouvel État neuchâtelois.
Notre XXIe siècle a lui aussi commencé de manière troublée et parfois angoissante. Ces dernières années, l’actualité est devenue lourde, remplie d’inquiétudes et souvent de violences de toutes sortes. Dans nos classes, nous ressentons très concrètement l’évolution parfois chaotique de notre société. La multiculturalité est devenue la norme, le dérèglement climatique inquiète les jeunes, la crise sanitaire nous a forcé·es à fermer les écoles, puis à porter des masques, et la guerre en Ukraine nous a amené de nombreux enfants déraciné·es brutalement.
Est-ce un hasard ? Un peu partout en Suisse romande, on constate, même chez de très jeunes enfants, une augmentation des troubles du comportement. Chaque école renforce alors ses équipes socio-pédagogiques. Puis on crée des structures de remédiation pour accueillir certain·es élèves qui deviennent parfois carrément ingérables. Et l’actualité nous apprend que certain·es profs se font agresser violemment par leurs élèves. Oui, même dans notre paisible petite Suisse. Tout cela nous rappelle que rien n’est jamais acquis. Qu’il appartient à chaque génération d’affronter ses propres difficultés, de tirer les leçons de son passé pour construire son présent et préparer son avenir. L’école reste un lieu privilégié pour apprendre le vivre-ensemble dès le plus jeune âge, et pour devenir des citoyen·nes responsables, prêt·es à relever démocratiquement les défis que la vie ne manquera jamais de nous présenter. Nos ancêtres ont fait leur révolution. Et si nous faisions la nôtre ?