Vers une meilleure formation des jeunes en général ...
À l’heure où j’écris ces lignes, l’année 2023 pointe le bout de son nez. De quoi sera-t-elle faite ? Nul ne le sait encore. Toutefois, deux champs de réflexion retiennent notre attention, et pourraient connaitre des développements intéressants ces prochains mois. À condition, toutefois, que le monde politique y accorde l’attention qu’ils méritent et soit d’accord d’envisager d’y investir les moyens nécessaires.
Depuis un certain temps, les cantons, sous l’impulsion de la CDIP, ont entamé une réflexion concernant la durée des études gymnasiales. En effet, l’augmentation des exigences et l’alourdissement des programmes ont rendu impossible la préparation des examens de maturité en trois ans seulement, ce qui a déjà poussé le canton de Neuchâtel à introduire des options académiques en 11e année de l’école obligatoire.
En toute logique, il s’agirait maintenant d’aller plus loin, en allongeant d’un an la période dévolue au lycée.
Ce nouveau système, dit « 11 + 4 » présenterait des avantages certains. En supprimant les options académiques à l’école obligatoire, on permettrait à tous·tes les jeunes de terminer leur école secondaire sans pression et, pourquoi pas, de prendre le temps de mieux réfléchir à leur orientation future. Les importants taux d’échecs en première année de lycée montrent certainement que certain·es ont été mal orienté·es et se sentiraient probablement plus à l’aise dans une formation professionnelle.
Bien sûr, les autorités, et celles de notre canton tout particulièrement, craignent l’allongement des études, qui signifierait la création de nouvelles classes et l’engagement de nouveaux enseignant·es. Toutefois, si une réforme des lycées facilitait une diminution générale du redoublement, cela en abaisserait d’autant les couts.
... et des enseignant·es en particulier
Le deuxième dossier concerne la formation pédagogique des enseignant·es. La pénurie étant déclarée dans plusieurs cantons et attendue dans d’autres, cette question revêt une importance renouvelée. Là aussi, la durée des études, de trois ans presque partout en Suisse, est remise en cause. Là encore, les cantons ne souhaitent pas, pour des raisons financières, allonger la formation pédagogique initiale.
Du point de vue syndical, on considère actuellement qu’il est plus indiqué de soutenir l’allongement des études gymnasiales, ce qui permettrait aux jeunes de se présenter à la HEP en bénéficiant de connaissances générales et linguistiques plus approfondies. Cela pourrait être particulièrement bénéfique en français et en allemand. Cependant, l’ajout d’une année de HEP ne semble pas être une urgence, à condition de prendre garde à améliorer certains points rapidement.
Tout d’abord, il faudrait mettre l’accent sur l’accueil des nouveaux enseignant·es dans leur premier collège. L’obtention du bachelor pédagogique n’est qu’un début, et il n’est pas possible durant les études d’aborder en détail les particularités de chaque école. Accorder du temps à celles et ceux qui arrivent pour comprendre le fonctionnement de leur environnement de travail est indispensable. Ces dernières années, de nombreuses initiatives ont vu le jour dans ce sens. Celles-ci doivent être développées, harmonisées et généralisées partout.
Ensuite, il devient absolument nécessaire que chaque enseignant·e en premier emploi bénéficie automatiquement d’un accompagnement individuel sous forme de mentorat par une personne expérimentée, avec du temps pour s’y consacrer, donc des décharges pour la personne formée comme pour le ou la mentor. En début de carrière, en effet, il n’est plus possible de gérer le quotidien tout en continuant de se former, et du temps rémunéré doit y être consacré.
Dernier point, la formation continue doit être valorisée et renforcée pour chaque enseignant·e. Notre métier est l’un des derniers dans lequel on s’engage encore pour la vie. Mais l’accélération des changements sociaux implique que la formation de base « vieillit » plus vite qu’auparavant, et que les connaissances acquises il y a vingt ou trente ans ne suffisent plus à gérer les défis du temps présent.
Force est de constater toutefois que se former demande de la disponibilité, du temps et de l’énergie. L’accroissement constant des exigences dans notre profession, impliquant un investissement en personnel toujours plus grand, laisse toutefois augurer qu’il faudra repenser l’organisation de la formation continue pour éviter de surcharger les semaines d’école et d’épuiser les enseignant·es. Nous devons donc très sérieusement penser à introduire, ou réintroduire, de véritables congés de formation qui, après cinq, dix ou vingt ans d’activité professionnelle, permettraient à tous·tes les enseignant·es de s’investir réellement dans un projet de formation continue adapté à leurs besoins.
Dites-moi, diront certain·es lecteurs·trices avisé·es, tout cela risque de couter beaucoup d’argent !
Oui, certes. Mais, comme le dit l’adage célèbre : « Vous trouvez que l’éducation coute cher ? Essayez donc l’ignorance ... »