L’éducation a-t-elle raté le virage du numérique ? ( suite )
Comme la tradition l’exige, le SAEN a tenu sa Journée syndicale annuelle début novembre à Boudry. Vous avez été nombreux·ses à y participer et nous vous en remercions. Le comité SAEN a passé une excellente journée, profité de nombreux contacts, recueilli de très nombreuses remarques enrichissantes et reçu une belle dose d’énergie pour la suite de l’année.
La matinée a été ouverte par l’Assemblée Générale, avec le survol des activités et des défis actuels, mais aussi un appel à candidatures pour plusieurs postes importants, dont celui de président·e du SAEN. Nous y reviendrons. Après la pause, huit thèmes syndicaux actuels ont été soumis à la réflexion du public, sous forme d’ateliers libres. Les très nombreuses discussions échangées et la quantité de remarques déposées sur les tables ont constitué une belle moisson d’idées que nous allons digérer petit à petit.
Comme annoncé et commenté dans les pages SAEN de l’Educateur du mois de mai, l’après-midi a été consacré à la question de la numérisation de l’école.
À la question « Le numérique ne sert-il qu’à rendre la vie des enseignant·es plus compliquée ? », Timon Rimensberger, formateur HEP, ne nous a pas donné l’illusion de la facilité. En effet, la transition vers un enseignement exploitant le potentiel du numérique n’a rien de simple et les réponses actuelles sont largement insuffisantes dans les classes. Si les outils physiques sont de plus en plus présents, la didactique et la pédagogie s’interrogent quant à la possibilité d’une véritable intégration du numérique au service d’un enseignement plus efficace, adapté aux élèves et facilitant l’individualisation et la différentiation. Les chantiers sont largement ouverts et les moyens manquent, en particulier à l’école obligatoire.
Niels Weber, psychologue, a développé le thème « Le numérique n’est-il là que pour mettre la santé de nos jeunes en danger ? ». Avec une surprise de taille. En effet, il est très à la mode actuellement de quantifier le « temps d’écran adapté », selon l’âge des enfants et des jeunes. Mais ceci est-il pertinent, ou est-ce que cela a tendance à simplifier la problématique tout en culpabilisant les familles ? Le postulat ne devrait-il pas porter bien plutôt sur le contenu de ces moments face à un écran, de l’usage que l’on en fait, du profit que l’on en retire ? Si l’utilisation du numérique est utile et réfléchie, alors la question du temps d’écran perd de son importance et l’humain reprend la main sur la machine.
Pour terminer, Fabien Fivaz avait la tâche de prendre position sur : « Le système éducatif suisse a-t-il une chance face aux géants du numérique ? » Ce qui n’est absolument pas une évidence, alors que les compétences éducatives en Suisse sont très largement décentralisées parmi les cantons, d’abord, et les régions ensuite. En face, les GAFAM pèsent des milliards de dollars et d’utilisateur·trices, maitrisent les codes des applications les plus populaires, investissent des sommes colossales dans des technologies qui envahissent tous les recoins de notre quotidien, y compris le domaine de l’éducation, avec le risque constant de la confiscation de nos données et profils personnels. Faut-il pour autant baisser les bras ? L’intelligence collective aura-t-elle le dessus sur l’IA ? La démocratie éclairée parviendra-t-elle à maitriser la confiscation et la privatisation de la pensée créative ? N’est-ce pas là, une fois de plus, justement le rôle de l’école et de l’éducation, soutenu par le politique ?
Note : Les débats sur le numérique ont été suivis par Cécile Guérin, de l’émission RTS Vacarme. Vous les retrouverez facilement sur internet : « L’usage de l’écran dans les familles, épisode 4/5, l’école branchée ou débranchée. » (dès 14:20)