, Myriam Facchinetti

L’école à la forêt: oser enseigner autrement

Enseigner entre quatre murs, c’est peut-être rassurant et confortable, mais enseigner dans la nature, c’est s’offrir une découverte étonnante de sa pratique. Enfilez vos bottes d’hiver et votre sac à dos, je vous emmène à la Hotte…

Enseigner entre quatre murs, c’est peut-être rassurant et confortable, mais enseigner dans la nature, c’est s’offrir une découverte étonnante
de sa pratique. Enfilez vos bottes d’hiver et votre sac à dos, je vous emmène à la Hotte…

Durant le confinement, j’ai décidé de quitter mon collège centenaire en ville de Neuchâtel pour travailler dans une «école de village». Une décision un peu folle diront certain·es, une décision téméraire selon d’autres… La meilleure décision de ma vie d’enseignante, je vous l’affirme. Outre le fait de découvrir de nombreuses possibilités d’enseignement et d’évaluation dans une classe multi-degrés, j’y ai découvert l’enseignement dans la nature et ses opportunités infinies.

Appréhender le terrain

Faire l’école à la forêt, il faut bien l’avouer, c’est au départ déstabilisant et un peu inconfortable: il faut savoir s’équiper en fonction de la météo, emporter du matériel, appréhender le terrain et les conditions climatiques. Cela peut aussi s’avérer difficile pour nos petit·es élèves: parvenir à se mouvoir dans les pentes, sur les chemins forestiers, ce n’est pas évident au début. Il faut également mentionner la réticence des parents. Encore aujourd’hui, certain·es ne comprennent pas qu’on puisse sortir par tous les temps, en toutes saisons. Et c’est parfois pénible de devoir justifier «l’école en forêt», alors qu’on délocalise seulement l’enseignement, et que ce n’est pas juste une sortie, ce sont véritablement les apprentissages qui se font à la forêt.

Apprentissages par missions

Une fois le terrain, les conditions météo et les parents appréhendés, l’école à la forêt c’est le paradis pour enseigner. Petit aperçu d’une matinée de décembre à la Hotte. Nos élèves arrivent équipé·es: iels ont appris à s’habiller de plusieurs couches, afin de jouer avec la température et ne pas se laisser surprendre. Les maitresses emportent avec elles tout le matériel indispensable: papier journal, allumettes, allume-feu fabriqué par les élèves, livres, feutres, papiers, etc. Sans oublier les petits pains confectionnés par les élèves comme d’habitude la veille de cette matinée particulière. On se met en marche, l’occasion de rappeler les règles de sécurité aux abords de la route. Petit passage obligé vers la déléguée de quartier, qui attend toutes les deux semaines la chanson du jour avec impatience. On entre dans la forêt, moment solennel, qui permet de s’imprégner de l’ambiance qui change à chaque saison: luminosité, bruits, couleurs. La première mission est de trouver l’arbre ou la plante du jour (en français et en allemand) sur le chemin qui mène à la Hotte. On travaille par groupe, on collabore, on délibère, on observe la nature. Les stagiaires du feu sont alors désigné·es: iels apprendront comment utiliser le bois ramassé durant l’été pour que la maitresse puisse allumer le feu. Iels apprendront aussi à l’éteindre en partant.

Bonheur d’enseigner à l’état pur

Parvenu·es à la Hotte, les enfants déposent leurs sacs sous un sapin protecteur. Iels vont saluer «leur» arbre, puis tout le monde se retrouve en regroupement sous la bâche. On commence par l’activité du mille-pattes ou comment compter de deux en deux. À l’heure du gouter, surprise: la maitresse a embarqué une casserole pour cuire le thé de Noël fabriqué en classe… Un régal!

Puis c’est le moment des jeux libres. Cache-cache, construction de cabanes pour les lutins, décoration des arbres: les enfants occupent LEUR forêt avec beaucoup de douceur et de respect. On termine avec une histoire de Noël, déroulée au coin du feu, des étoiles plein les yeux. En forêt, la matinée passe à vive allure. On y fait du français, de l’allemand, des maths, des sciences, de la géographie, de l’histoire, des activités artistiques, de la musique, de la gym. On coopère, on rit, on vit.

Évidemment, on planifie notre enseignement, mais il y a cette magie d’improvisation qui nous donne une liberté incroyable.

Tentez l’expérience, je suis certaine que vous y trouverez votre bonheur, vous aussi!